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UN ARBORETUM EN PÉRIGORD POUR MESURER LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

4000 arbres ont été plantés au printemps 2010 en Périgord Noir pour créer une zone test incluse dans le programme européen CLIMAQ ayant pour but l'adaptation des forêts au changement climatique par une expérimentation concernant les plantations forestières. Ce projet est financé par l'Europe, le Conseil Régional d'Aquitaine et le Conseil Général de la Dordogne. Dans l'article précédent : « Sève qui peut ! », nous avons exposé en détail et en interview les objectifs de cette opération pilotée par le Centre Régional de la Propriété Forestière d'Aquitaine (CRPF Aquitaine) avec le concours des organismes de recherche et de développement suivants :

- l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA)
- l'Institut Technologique Forêt, Cellulose, Bois, Ameublement (FCBA)
- la Coopérative Agricole et Forestière Sud Atlantique (CAFSA)

et avec l'appui de :

- la Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF)
- l'Association Régionale des Entrepreneurs de Travaux Forestiers (ETF).

Cette démarche innovante et porteuse d'avenir se décline en Aquitaine sur neuf lieux de démonstration répartis sur les trois types de massifs boisés inventoriés : Adour Pyrénées, Dordogne Garonne et le Massif landais. Dans un premier temps, des parcelles représentatives des conditions les plus fréquentes de reboisement ont été identifiées. En fonction de la nature des sols et de leur capacité à faire face au réchauffement climatique annoncé, des essences de feuillus et de résineux ont été sélectionnées. Le même dispositif a été répété trois fois par massif forestier. En Dordogne Garonne, les sites retenus se trouvent sur les communes de Saint-Pardoux-la-Rivière, Saint-Georges-de-Monclar et Savignac-de-Miremont. C'est cette dernière plantation dont nous allons suivre, à titre d'exemple, la mise en place et l'évolution.



CHAPITRE 1 : LES PRÉPARATIFS

En décembre 2009, une pelle mécanique de 24 tonnes équipée d'un croque-souches a déssouché les taillis de châtaigniers dépérissant et les a rassemblés en lignes d'andains de façon à délimiter les parcelles destinées à chaque nouvelle essence d'arbre à planter. Cet andainage s'est achevé sous la neige, un bon présage. Les anciens disent que la neige apporte l'azote, engrais naturel, et augure donc d'une bonne reprise printanière de la végétation.
En mars 2010, un labour partiel émietté au disque a eu lieu afin d'accueillir les plants dans de la terre fine où, par la même occasion, la végétation concurrente a été réduite.
En parallèle, l'étanchéité de la clôture périphérique existante a été assurée. L'objectif : éviter d'avoir à poser des protections autour des milliers de pousses tendres pour qu'elles ne soient pas abrouties par les chevreuils et les cerfs. À noter que cette solution de protection totale a été préconisée et retenue également pour les trois plantations du massif Adour Pyrénées, exposées à une forte pression des cervidés. Elle est également en cours d'évaluation pour les deux autre zones d'expérimentation du Périgord.

CHAPITRE 2 : LA PLANTATION

Le 17 mars 2010, les pépinières Naudet de Prechac (33730) livrent en camion la quasi-totalité des plants commandés. Les plants de pins maritimes hybrides sont eux en effet fournis par la pépinière Forelite de la CAFSA. 4000 plants même bien rangés motte contre motte et étagés sur plusieurs palettes, c'est impressionnant. Rappelons que les douze essences préconisées par le CRPF Aquitaine sont :

    Six résineux :
  • Cèdre du Liban (CEDRUS libani)
  • Cèdre de l'Atlas (CEDRUS atlantica)
  • Pin sylvestre (PINUS sylvestris)
  • Pin Laricio de Calabre (PINUS nigracalabrica)
  • Sapin de Turquie (ABIES bommulleriana)
  • Pin maritime hybride Landes x Corse (PINUS pinaster x Corsicana)
    Six feuillus :
  • Chêne sessile (QUERCUS petraea)
  • Chêne rouge d'Amérique (QUERCUS rubra)
  • Robinier faux acacia (ROBINIA pseudoacacia)
  • Févier d'Amérique (GEDITSIA triacanthos)
  • Erable champêtre (ACER campestris)
  • Aulne à feuille en cœur (ALNUS cordata)

Fraîchement débarqués, ils sont 320 par essence, ce qui représente donc précisément 3840 arbres à planter. Dès le 19 mars, Frédéric Ledun, technicien forestier du CRPF en charge du secteur Sud Est de la Dordogne, arrive à la rescousse avec le schéma de plantation qu'il a préparé en fonction de la nature des sols méthodiquement sondés. Ce plan permet de disposer les cageots de jeunes arbres en amont de chaque ligne de plantation. Les houes, plantoirs et autres fourches bêches sont sur le pied de guerre.

Les 20 mars 2010, une équipe de dix planteurs motivés entament la plantation selon le quadrillage défini par Frédéric Ledun. Les lignes d'arbres sont espacées de quatre mètres, tandis que les arbres sont plantés tous les deux mètres. Un cordeau dûment gradué est déroulé d'un bout à l'autre de chaque ligne, des perches marquent l'écart entre les lignes au moment de bouger le cordeau.

Le 21 mars, les propriétaires poursuivent la mission à deux, et ce pendant trois semaines, au gré de leur temps libre. Au fil du temps, la technique de marquage progresse. Ayant gradué une grosse bobine de cordeau, ils parviennent à baliser la parcelle entière avant l'entrée en piste des cageots de plants impatients. Préparer les trous devient une formalité. Ne pas y sombrer, un défi. En effet, en ce début de printemps, il pleut tellement que le plus fatiguant consiste à se déplacer en réussissant à conserver ses bottes au pied. Parfois dans l'argile collante à souhait, « amoureuse » comme on dit en Périgord, parfois dans des zones plus proches des sables mouvants, ces sols « argilo-sablonneux » comme les appellent les techniciens forestiers.

La récompense, quelques beaux silex taillés de main d'homme, il y a bien longtemps, la joie de les saisir et de toucher leurs empreintes préhistoriques, main dans la main avec nos origines. Avec en prime le sentiment d'être là en train de faire quelque chose de bien sur la Terre, dans la terre, et même, parfois, dessous. Le 8 avril, tous les arbres sont en place à l'issue d'un printemps résolument aussi pluvieux qu'un automne. Et si à la Sainte-Catherine, tout bois prend racine, souvenons-nous du fameux dicton né pour l'occasion : « Printemps pluvieux, planteur heureux ! ».

CHAPITRE 3 : LE SUIVI

Venu encourager les planteurs et veiller à ce que tout se passe selon les règles de l'art, dès les 25 mars, soit cinq jours après le coup d'envoi de l'opération, Frédéric Ledun constate que certains cèdres n'ont pas repris. Ils sont secs et roussis, comme brûlés. Diagnostiquant un possible gel avant livraison, il organise aussitôt l'arrivage de 150 nouveaux cèdres de l'Atlas qui viendront supplanter les arbrisseaux morts dès le 4 avril. Le 16 avril Frédéric Ledun vient voir la mission accomplie. Tout va bien mais déjà les acacias naturels s'imposent dangereusement parmi les chênes sessiles encore très petits. Il s'agit donc de les couper à la base pour permettre aux jeunes chênes de voir la lumière.

CHAPITRE 4 : LA RÉCEPTION

C'est le terme technique qui désigne la venue de spécialistes à même de valider la mise en place du projet. À La Ferrassie, cette réception s'est faite le 4 mai 2010 grâce à la visite de Cédric Desgraupes, technicien du Service Forêt et de l'Aménagement Forestier du Conseil Général de la Dordogne, qui put constater, ce jour-là, l'adéquation entre le schéma de plantation établi et sa réalisation. Le 23 juillet 2010, ce fut au tour des représentants du CRPF Aquitaine de se rendre sur place afin d'apprécier la qualité de la plantation de cet arboretum expérimental. Voici le compte-rendu établi à cette occasion par Frédéric Ledun, en charge du suivi du projet.

Tournée du 23 juillet 2010 :

À l'occasion de la mise à jour annuelle du réseau expérimental de la forêt privée en Dordogne étaient présents :
- Jean-Raymond Liarcou, responsable du réseau au CRPF Aquitaine
- Joël Lefièvre, ingénieur responsable au CRPF du massif Dordogne-Garonne
- Jérome Carmeille, technicien animateur au CRPF pour le secteur Sud Ouest de la Dordogne et responsable du suivi d'un essai Climacq sur Saint Georges-de-Monclar
- Frédéric Ledun technicien animateur au CRPF pour le secteur Sud Est et responsable de l'essai de la Ferrassie à Savignac-de-Miremont

En début d'après midi, un premier arrêt à Saint Georges-de-Monclar permettait de constater une bonne reprise générale, due à la très bonne préparation des terrains et à un printemps pluvieux.
Même constatation à la Ferrassie.
Le robinier, le pin sylvestre et le chêne rouge sont les bons élèves, avec une croissance spectaculaire à la Ferrassie pour le robinier.
Le pin sylvestre délaissé depuis de nombreuses années au profit du pin Laricio de Calabre pour des questions de croissance et de branchaison pourrait mériter, s'il continue sur cette voie, un ré-examen de sa candidature au "top ten" des essences de reboisement.
Pas de surprise avec l'érable champêtre, l'aulne à feuille en cœur et le chêne rouge qui confirment leur tempérament rustique.
Soulagement pour les féviers : des plants minuscules faisaient craindre le pire, mais la reprise est très bonne.
Pour les chênes sessiles, la taille initiale des plants a priori plus faible à Saint-Georges-de-Monclar pourrait être la cause d'un peu de mortalité. A Savignac-de-Miremont, une repousse inopportune de robiniers naturels au milieu des chênes va obliger les propriétaires à les tailler au croissant.
Quelques sapins manquent à l'appel. Il se repèrent facilement : les morts sont d'un beau rouge flamboyant.
Rien à signaler pour les Laricio de Calabre et les pins maritimes hybrides Landes/Corse, (même si ces derniers nous avaient habitués à mieux).
Le seul souci réel dans les deux sites a été la reprise des cèdres dont un certain nombre a déjà dû être remplacé. Cela ne semble pas imputable à l'essence mais plutôt à un problème de stockage et de gel des mottes.

Prochains rendez-vous :
- un comptage en fin d'été (avant la chute des feuilles) pour estimer l'opportunité ou non de procéder à un regarnis.
- un disquage de l'interligne au printemps 2011.

CHAPITRE 5 : L'ENTRETIEN

Le 7 décembre, Frédéric Ledun s'est rendu sur l'arboretum pour évaluer la croissance et les pertes. Malgré un été très sec, les plants sont là, même si un regarnis s'impose pour les cèdres, les sapins de Turquie et les chênes sessiles.
Par ailleurs, au cours des premières années, il faudra veiller à maintenir la tête des petits plants au soleil en intervenant manuellement sur la ligne et avec un tracteur dans l'interligne. Sans trop en faire toutefois car il faut se souvenir que l'idéal pour un plant forestier est de pouvoir rester les pieds au sale et la tête au soleil. Le bonheur pour les techniciens forestiers aussi, de leur propre aveu.
Un premier nettoyage aux disques du pourtour et des interlignes centrales a été réalisé par les propriétaires à la mi-août 2010. Le prochain nettoyage devrait intervenir au printemps 2011.

À suivre.

Sophie Cattoire


Coordonnées du C.R.P.F. en Dordogne :

Centre Régional de la Propriété Forestière d'Aquitaine
35, route de Périgueux
24100 Lembras
tel : 05 53 57 83 17 fax : 05 53 61 21 74
Contact : Frédéric Ledun
Coordonnées du C.R.P.F. à Bordeaux :

Centre Régional de la Propriété Forestière
6, Parvis des Chartrons
33075 BORDEAUX cedex
Tel : 05.56.01.54.70 fax : 05.56.51.28.08
E.mail : bordeaux@crpfaquitaine.fr

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