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FIERS DES ORIGINES

Beaucoup de monde, des huiles, des humbles et un souffle absolument perceptible dans la chaleur. Un réconfort, celui de se sentir fier de l'humanité, dans son long chemin et sa diversité. C'est vrai, les joues triangulaires en papillon qui dépassent de la face du paranthrope tête d'affiche nous intriguent un peu. Et d'ailleurs son nom révèle cette première impression. Il fut découvert par Mary et Louis Leakey à Olduvaï en Tanzanie en 1959 et daté à 1,8 millions d'années. Si ses découvreurs le nommèrent initialement Zinjanthropus boisei il fut plus tard rattaché par la communauté scientifique aux Paranthropes qui signifie en grec presqu'hommes. Or, son appellation est déjà dépassée. On considère aujourd'hui qu'il ne s'agit pas d'un pré-humain, mais d'un cousin. À partir des Australopithèques graciles, deux branches seraient apparues : celle des Paranthropes donc, et celle du premier Homo reconnu, Homo habilis, dont les restes seront précisément trouvés sur ce même site d'Olduvaï en Tanzanie, en 1964. Paranthrope et Homo habilis ont vécu au même moment dans cette région d'Afrique, fruits d'ancêtres communs mais ils ont évolué différemment. Ainsi d'emblée, l'essentiel est posé. L'évolution ne se fait pas de façon linéaire, en passant du singe à l'Homme comme on l'a cru un temps, car c'était plus simple intellectuellement. L'évolution est buissonnante, les ramifications innombrables et les modes d'adaptation au milieu ambiant, variables. Pas de ligne droite, pas de hiérarchie, pas de créature suprême, enfin : Nous ! Non, un arbre gigantesque et au bout d'une de ses branches, le genre Homo dont nous sommes les derniers représentants, tous autant que nous sommes sur Terre.



La frontière entre l'homme et l'animal

Homo habilis fonde le genre Homo, en l'état actuel de nos connaissances, et pourtant, le débat reste vif. Constitue-t-il un seuil parfaitement clair entre animalité et humanité ? Les chercheurs s'interrogent. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le curseur se déplace suivant la culture que l'on porte. Qu'est-ce qui fonde de façon indiscutable le genre Homo ? La bipédie, l'outil, les pratiques funéraires, l'art ? Chacun défend sa vision du monde, sa culture, son idéologie. Après le Paranthrope et l'Homo habilis, la Tanzanie nous a livré en 1984 un jeune homme qui reposait près du Lac Turkana. On l'a apppelé Homo ergaster ("l'artisan"), daté de 1,55 millions d'années et accepté dès lors comme le premier représentant du genre Homo. En parallèle, se pose la question du plus vieil ancêtre de l'homme, et là, les datations s'emballent. Dépassant l'âge de la belle Lucy (3,2 millions d'années) Toumaï et Orrorin ont bravement reculé l'âge de l'ancêtre à 6 ou 7 millions d'années. Pour autant, et même avec leurs jolis noms bien plus faciles à porter, ces Australopithèques ne font pas l'unanimité et le choix de l'ancêtre commun demeure un terrain d'affrontements idéologiques musclés.

L'évolution ne répond pas à la question des origines

À tout ce long voyage à l'envers, il faut dire que nous n'étions pas préparés. La Préhistoire n'a que cent cinquante ans, elle est née dans la douleur. Les mythes fondateurs donnent un sens à la vie, difficile à retrouver en inscrivant, à force de fouiller, notre histoire dans une temporalité car ces dates aussi loin qu'elles nous entraînent dans le passé ne répondent pas à la question des origines. Il est rassurant de mesurer tout ce que nous avons su traverser, mais comment tout cela a-t-il commencé ? On n'en sait rien. Le saura-t-on jamais ? Est-ce même la bonne question à se poser ?

Élisabeth Daynès réconcilie la famille au complet

Sur ce passionnant et déroutant chemin, Élisabeth Daynès nous donne la main, elle est la première à avoir eu l'audace d'incarner, en faisant fi de bien des préjugés, les fossiles humains surgis du grand passé. Elle travaille avec les chercheurs en Préhistoire et avec les méthodes de la police scientifique, efficaces pour l'Homo sapiens. À partir de Néandertal et jusqu'aux Australopithèques, elle mise davantage sur sa sensibilité. La paléoartiste est plus sollicitée. Dans son atelier parisien, elle observe et choisit et le miracle opère, elle donne vie. Peu à peu, les clichés s'évanouissent, les rencontres deviennent possibles. L'idée de notre suprématie s'effrite. Nous avons face à nous tous ces membres de notre famille que nous aurions tant aimés connaître, d'où qu'ils viennent. Leurs regards nous captivent, nous attendrissent. La scénographie de l'exposition "Chairs des origines", création mondiale imaginée pour le Pôle international de la Préhistoire, est à ce titre une émouvante réussite. Et c'est pourquoi nous étions tous si fiers en ce vendredi 13 juin de l'an 2014 d'être ensemble réunis, sans frontières, ni dans l'espace ni dans le temps. Une humanité debout et sage.

Sophie Cattoire

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