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JEAN-BATAILLER, AFRO-PERIGORDIN SURVEYOR

All through his life Jean Batailler, while measuring and calculating the Earth, has also sized up pretty well the human race. A surveyor by trade, he learnt the ropes – how to use a compass, a theodolite – in the Périgord Noir before embarking upon a twenty-year peregrination in Côte d’Ivoire. The fact is that deep in the heart of our own familiar countryside or in the distant brush land he has found the same warm welcome, the same generosity: feasts fit for a king, composed of ape meat and foie gras, improvised specially for him, the tall White, with the same pleasure, the same spontaneity. On his expeditions here or on foreign shores he has savoured the true nature and the very best of the men and women he has come across. No doubt anxious to leave a trace behind him, he began to build up a collection of postcards of Africa and of the Périgord – both of them black and luminous. In his home the African statuettes rub shoulders with “Jacquou le Croquant” and all these Afro-Périgordin treasures that testify to a veritable art de vivre people his house of cards, tucked away amidst carefully stowed fat albums.


QUAND L'ENFANT BUGUOIS DEVIENT VICE ROI AFRICAIN

Ce goût des choses rares et cet esprit pionnier constituent pour Jean Batailler une sorte d'héritage familial. Son grand-père fut à la fin du XIXème siècle, dans la région du Bugue, le premier à monter une entreprise de battage « industriel ». Avec sa locomobile - machine à vapeur qui actionnait la batteuse – il sillonnait les campagnes, de la Plaine du Coux jusqu'à Belvès.
Jean, lui, attendit l'âge de 39 ans pour donner la pleine mesure de son esprit aventurier. Il avait certes déjà prouvé sa hardiesse en restant dix ans 3ième ligne dans le club de rugby local. Mais il était temps à présent de quitter le pré pour les pistes. Dans les années 70, le travail de cadastre en Périgord étant accompli, il plie bagage avec son épouse Gisèle et leurs enfants et débarque à Abidjan en Côte d'Ivoire pour de nouvelles aventures cadastrales et humaines.

Son travail l'amenant à sillonner tout le pays, il se fait des amis un peu partout. À commencer par Gaspard, un singe roux, de compagnie, qui savait « déplier les bonbons » nous précise-t-il.
Au Sud-Est de la Côte d'Ivoire, Jean Batailler se lie d'amitié avec « Croutchi II », Roi des Appolloniens, l'ethnie locale, et chef du canton de Tiapoum, vis à vis de la capitale Abidjan. Croutchi II prend ce grand Blanc en affection et le nomme « vice roi », un concept entre dauphin et adjoint, taillé sur mesure et célébré par une grande fête traditionnelle en guise d'intronisation.
Au Nord de la Côte d'Ivoire, le géomètre sympathise avec Gon Coulibaly, Roi des Senoufos, peuplade du Sud du Burkina Faso. Député maire de Korhogo, il est aussi ministre et vice président de l'Assemblée Nationale. Ce haut personnage nomme Jean Batailler « chef Senoufo ». Ces titres le flattent, mais sa passion, la vraie, est la collecte d'objets rares : photographies et œuvres d'art.

La brousse en chambre noire façon François-Edmond Fortier

Dès qu'il les découvre, il tombe sous le charme des clichés de François-Edmond Fortier.
Né en 1862 dans les Vosges, implanté à Dakar peu avant 1900, il va signer en dix ans plus de huit mille cartes postales qui n'ont rien des images d'Epinal. La tendresse de son regard sur l'identité culturelle des peuples qu'il immortalise donne à ces cartes, faites pour colporter des nouvelles, une fraîcheur anthropologique certaine. Il y a le souhait de comprendre et de respecter au-delà de l'exotisme colonial forcément en vigueur dans cette Afrique de l'Ouest alors « française ». Il se trouve parfois engagé comme photographe officiel lors des déplacements des autorités coloniales. Ses 160 cartes du « Voyage à la côte d'Afrique » illustrent les périples du ministre des Colonies, Millies-Lacroix, et de sa suite en avril-mai 1908. Pour autant son approche reste non conformiste et résolument personnelle. En dépit des milliers de cartes laissées comme autant de petits cailloux noirs sur l'Ouest Africain, François-Edmond Fortier reste fascinant de mystère. Sa biographie est incertaine, son oeuvre indomptable. Ce portraitiste insatiable, qui n'a laissé aucun autoportrait, vivait avec ses deux filles blondes à deux pas du marché Kermel au coeur du vieux Dakar. Jusqu'à sa mort, le 24 février 1928, il demeura négociant en cartes postales « Gros & Détail » mais aussi papetier-libraire, parfumeur-maroquinier, marchand de plumes d'autruche et de « curiosités indigènes ». Voici les seuls éléments concrets dont disposent les cinq grands collectionneurs de ses photographies, parmi lesquels on compte Jean Batailler.

Pendant ce temps là, en Périgord furète Henry Guillier

Dans le même temps, en parallèle, mais sous une autre latitude et de l'autre coté de la mer, un photographe tout aussi gourmand ratissait le Sud-Ouest de la France. Henry Guillier était le fils d’un papetier-imprimeur de Libourne. Dès l’apparition de la photographie, il se passionne pour cette magie et devient l’éditeur de cartes postales le plus prolifique de toute l’Aquitaine. A sa mort en 1912, il laisse plus de 13 000 clichés donnant à voir la Gironde, la Dordogne, le Lot-et-Garonne, les Charentes et les Landes. Guillier est un reporter qui se déplace à bord d’une automobile, l’une des premières en circulation, avec son fils pour chauffeur et assistant. Cela lui permet de transporter un matériel encombrant – chambre noire, plaques de verre, trépied – jusqu’au hameaux les plus isolés. Ainsi peut-il photographier des scènes pittoresques de la vie paysanne dans des lieux où ni les touristes ni ses concurrents ne s’aventurent. Ses images présentent ainsi un intérêt documentaire et ethnographique certain, tout comme, en Afrique, celles de Fortier.

Henry Guillier comme François-Edmond Fortier ont ainsi eu pour armes l’arrivée concomitante sur le marché de l’automobile et de la photographie, deux pures merveilles pour assouvir leurs curiosités et leurs esprits pionniers.

Le retour de l'enfant prodige... de la case aux cavernes

Dès son retour en France, en 1989, Jean Batailler s'engage dans la gestion municipale en tant que premier adjoint chargé des Finances et de l'Administration générale. D'un point de vue préhistorique, son retour tombe à pic. C'est lui qui sauve du bourbier les vestiges des grottes de Lascaux et de Bara Bahau collectés par l'Abbé Glory, illustre préhistorien buguois. Après sa mort, le fruit de ses fouilles, bois de rennes, morceaux de charbon, lampes en pierre, pointes de flèches, documents, dessins et photos des sites lors de leurs découvertes étaient restés à son domicile au Bugue. Sans l'intervention de Jean Batailler, alerté par le voisin Jacques Gipoulou, le tout aurait été jeté. « Je suis l'inventeur du trésor de l'Abbé Glory » dit aujourd'hui avec fierté le collectionneur invétéré qu'il demeure à 75 ans.

Dans ses bagages, des poids à peser l'or du pays Baoulé

À l'occasion de ce tournage, Jean Batailler nous a présenté en exclusivité sa collection de Poids Akan Baoulé, utilisés autrefois sur la Côte de l'Or africaine pour peser la poudre d'or, monnaie d'échange très prisée par les Blancs. Ces figurines de bronze ou laiton, empreintes d'humour et de mythologie, étaient fondues à exemplaire unique par le procédé de la cire perdue. Chacune d'entre elles constitue donc une oeuvre d'art originale. Elles renferment en quelques grammes, très précisément dénombrés, un fantastique raccourci de l'histoire du Royaume Ashanti. Fondé par Osaï Tutu, contemporain et cousin en royauté de Louis XIV, l'Etat Ashanti prospéra jusqu'à la conquête anglaise au XVIIIème siècle. Son peuple utilisait l'or brut ou en paillettes comme monnaie d'échange. Il n'était guère aisé pour les artisans de réaliser dès le premier jet des statuettes au poids réglementaire, c'est pourquoi on trouve des crocodiles avec des colliers de plomb ou avec un poisson dans la bouche. Cette devise à 24 carats nécessitait pour sa mise en oeuvre tout un attirail des plus raffiné : boîte finement ciselée pour contenir la poudre d'or, petite pelle, balance sans fléau et donc ces fameuses figurines appelées aussi pesons. Les Européens se procuraient cette poudre d'or en échange d'objets manufacturés divers : armes à feu, pièges à rat, tenailles, soufflets et jeux de clefs qui séduisaient particulièrement les autochtones, non encore équipés de mode de fermeture aussi sophistiqué. Les Poids Ashanti ont par la suite fait des émules surtout chez leurs voisins Baoulé de Côte d'Ivoire. La collection de Jean Batailler rassemble une très belle série de Poids Akan Baoulé façonnés en Côte d'Ivoire, parmi lesquels des jeux traditionnels africains de la famille des mancalas. Le Sérata et le Wari représentés ici en miniature sont accessibles sur ce site. Pour y jouer grandeur nature cliquez sur la photo ci-dessus.

Jean Batailler a eu la gentillesse de nous accueillir, de nous présenter Vanille de la Basse Dordogne – un Lagotto Romagnolo, issue d'une très ancienne lignée romaine, chien exceptionnel pour la truffe – et nous a autorisé à faire paraître dans www.albuga.info un aperçu de ses collections de cartes postales d'Afrique et du Périgord au début du siècle dernier.
Regardez comme elles se répondent et se font des sourires. Les parallèles sont bien souvent troublants. Pour son accueil et l'accès à ses documents, nous tenons à remercier Jean Batailler et vous invitons à découvrir ici sa nuée de souvenirs migrateurs.

Sophie Cattoire

Nous remercions Patricia Peraro pour son aide précieuse quant à la captation des archives de ces pages.

Cartes postales François-Edmond Fortier, Collection Batailler
Afrique Occidentale, Sénégal, femme Ouolof
Afrique Occidentale, Sénégal, femme Pourougne
Afrique Occidentale, Sénégal, femme Peulhe du Cayor
Afrique Occidentale, Guinée, femme Foulah
Afrique Occidentale, femmes Foulbés
Afrique Française, Haute-Guinée, jeune fille type Djallonké
Afrique Occidentale, Soudan, couple de Bobos, région de Koury
Afrique Occidentale, Sénégal, couple de Pourougnes
Afrique Occidentale, Sénégal-Guinée, famille Soussou
Afrique Occidentale, Soudan, Chasseurs et guerriers de Mossi
Afrique Occidentale, Tam-Tam de "Habbès Macina"
Afrique Occidentale, Sénégal, type Lahobes
Afrique Occidentale, Termitière et type Malinké
Afrique Occidentale, Soudan, Boucherie Modèle
Afrique Française, Soudan, Maçon indigène (Burï) n'a d'autre outil que ses mains
Afrique Occidentale, Teinturières Malinkées
Afrique Occidentale, Musiciens (tam-tam et balafon) et Danseurs Djennenkés
Afrique Occidentale, Soudan, Fileuses de coton

Cartes postales Henry Guillier, Collection Batailler
1 : Brantôme près de Périgueux. Deuxième entrée de la « chambre brune », ancien repaire de faux-monnayeurs au Moyen Age.
2 : Brantôme près de Périgueux. Habitations troglodytiques.
3 : Brantôme près de Périgueux. Dolmen de Pierre Levée.
4 : Langoiran en Gironde. Pierre monolithe appelée "Cep" dans les jardins de l’ancien château.
5 : Moncaret en Dordogne. Antique fontaine des fées.
6 : Sainte-Radegonde en Gironde. La fontaine et le lavoir.
7 : Eymet, un coin de la ville, rue Portanel.
8 : Hautefort près de Périgueux. Château d’Hautefort.
9 : Gardien d’oies dans les Landes de Gascogne.
10 : Sainte-Foy-la-Grande, la Halle, place des Frères.
11 : Libourne, rue Gambetta.
12 : Libourne, Place Decazes, Foire de la Saint-Martin.
13 : Mios, en Gironde. Les bords de la Leyre.
14 : Gujan-Mestras, Bassin d’Arcachon. Attelage landais.
15 : Attelage landais transportant la résine dans les Landes.
16 : La vie des champs en Dordogne, le repos.
17 : Saint-Emilion près de Libourne,. Clos des Cordeliers, chantier de dégorgement (mise en bouteille du vin).
18 : Le Buisson en Dordogne. Cueillette des tabacs, visite des plantes mères.
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